mercredi 2 mai 2012

Mary and Max, d'Adam Elliot



Mary Daisy Dinkle a huit ans, vit dans une pathétique ville d’Australie, a « des yeux couleur gadoue » et une marque de naissance « couleur caca » sur le front. Elle s’ennuie et rêve d’avoir un ami. En attendant elle fabrique des figurines de Noblets, personnages de son dessin animé préféré, apprivoise son coq Ethel, boit du lait concentré et se console avec du chocolat. Sa mère, créature branlante et cigarette au bec, « teste » le sherry et « emprunte » tout un tas de trucs dans les magasins. Son père empaille des oiseaux morts retrouvés sur le bord de la route. Autrement dit, rien ne peut guère distraire l’enfant dont les parents noient leur propre chagrin (et ennui) dans leur coin. Un jour, Mary accompagne sa mère à la poste afin qu’elle y « emprunte » des enveloppes et, s’ennuyant profondément, il lui vient une idée. Elle choisit au hasard un nom dans l’annuaire de New York et décide d’écrire à cet inconnu. Une question la taraude : les bébés naissent-ils dans des bières à New York, comme en Australie, ou dans des canettes de Coca ?
Max Horowitz, nom tombé de l’annuaire, se surprend à répondre avec enthousiasme et difficulté. Effrayé autant qu’intrigué par les gens, Max n’a pas d’ami non plus et se découvre un allié pour affronté ses angoisses à travers les lettres de Mary.
Ce résumé parait bien succinct mais toute la saveur du film serait gâchée si j’en disais trop, faites moi confiance. Le portrait des personnages, leur propre façon de se décrire ou se dessiner, les angoisses et la solitude de Mary et Max sont de vraies perles d’humour et de sensibilité. 
Adam Elliot s’est inspiré de sa propre correspondance, de près de vingt ans, avec un autre « Max » et lui rend un hommage spécial à travers ce film. (Pour d’autres anecdotes et précisions sur l’idée et le travail entourant le film, voir ici.)   
BREF, film d’animation récent (sorti en 2009), nous sommes pourtant loin du faste numérique à la mode où l’explosion de couleur, les effets spéciaux vertigineux et la course au « réalisme » sont omniprésents. Et toute la poésie du film est là ! 

Le stop motion, technique complexe et longue (de moins en moins utilisée), fait de ce film un diamant poli. Le travail est visible sans alourdir le long métrage et le rend tout simplement éblouissant. Les couleurs sont volontairement pâles, limite absentes, sans être fades, la palette s’étendant du brun/ chocolat au gris/noir. Certains détails sont relevés avec une touche de couleur éclatante, rouge notamment, qui leur insuffle alors une présence particulière et symbolique dans l’histoire. L’univers est posé grâce à cette palette de couleur. Même aux moments les plus drôles, l’ambiance reste mélancolique, désespérée et incroyablement tendre. Toute l’habileté du réalisateur et scénariste s’exprime dans ce mélange d’ambiance impeccable. On n’est jamais complètement triste, jamais complètement hilare et pourtant on s’émeut d’un petit rien. Fantastique et très rare, mais ce n’est que mon avis.
Les personnages à foison entourent nos deux protagonistes avec intelligence. Ils ont tous leur place dans le récit et tous leur originalité. Chaque caractère communique à sa manière un message qui lui est propre, est un peu ou complètement fêlé sans être pour autant bon pour l’asile. Une folie douce entoure tout ce qui sort de l’imaginaire d’Adam Elliot et est très communicative, pari gagné ! 

En ce qui concerne la physionomie des personnages, je vous laisse juger par vous-même. Nous sommes loin des silhouettes longilignes de Tim Burton mais leur apparence tout en rondeur est tout aussi délectable et donne aux mouvements une signification (et émotion) très particulière. D’ailleurs, en parlant de Tim Burton, la comparaison est justifiée puisque ce film d’animation représente tout ce que ne fait plus notre cher et célèbre réalisateur, à mon humble avis. La folie, la tendresse, la dépression, les angoisses, les « gens », l’espoir et l’imaginaire sont aujourd’hui traités avec poésie, décalage et finesse par des réalisateurs comme Adam Elliot ou encore Henry Selick (Coraline).

Quant au thème musical, eh bien, je vais faire bref : il est simple et efficace. Mary et Max ont leur propre ambiance musicale, comme leur propre palette de couleur. Le «thème» de Max rappelle les vieux films new-yorkais de loubards, au rythme posé et sombre. Celui de Mary dépend de son âge mais l’enfance qui se vit et se perd sonne à chaque note. Les deux univers se distinguent sans complexe et se rejoignent sans heurts. 
Ce film d’animation est un véritable retour aux sources. Toute la poésie, la puissance narrative, l’intelligence du sujet sont véhiculées avec brio par des prouesses techniques non négociables. Adam Elliot, bravo.