jeudi 22 novembre 2012

Chocolat, de Joanne Harris


"Et à présent? À quoi est-ce que je crois en cet instant précis? " "Je crois qu'être heureux est la seule chose qui compte", lui répondis-je enfin. Le bonheur. Aussi simple qu'un verre de chocolat ou aussi tortueux que le coeur. Amer. Doux. Vivant. p. 216.

Lorsque le froid s'invite dans nos régions, lorsque le vent du Nord souffle l'hiver, lorsque les réjouissances culinaires des fêtes s'annoncent, il est grand temps de faire sa liste au Père Noël (Saint Nicolas, en ce qui me concerne!) et lui demander de succulents biscuits à dévorer avec les yeux de l'âme.

Aujourd'hui, je vous sors de ma boîte à biscuits, un classique de gourmandise littéraire : Chocolat de Joanne Harris. Découvert, il y a quelques années, grâce au film du même nom de Lasse Hallström, avec Juliette Binoche et Johnny Depp au casting notamment, j'avais adoré l'ambiance cinématographique alors pourquoi pas celle du livre? Absolument pas déçue par le livre, au contraire. Il regorge de petites douceurs et réflexions, absentes dans le film, plus dans la romance (je trouve) que le livre dont il s'inspire. Mais point d'étude comparative ! Et passons donc à notre table littéraire !

Vianne Rocher et sa fille de six ans, Anouk, "arrivent portées par le vent du carnaval", un 11 février, dans le village de Lansquenet-sous-Tannes, perdu dans la campagne française. Dès les premières pages, les effluves du carnaval, des crêpes chaudes et sucrées, des bonbons ramassés par terre et fourrés dans la bouche ou dans les poches, ces effluves nous happent dans un univers doux et mystérieux. Ces deux étrangères perturbent les villageois, qui les scrutent avec curiosité et froideur. Mais ils ne sont pas au bout de leurs surprises. Cette femme venue d'ailleurs avec ses vêtements colorés et sa fille à l'imaginaire débordant louent l'ancienne boulangerie, prés de la place de l'Église. Retapée, repeinte et aménagée, cette vieille échoppe devient une chocolaterie aux allures de bonbonnière.
Hérésie, aux yeux du curé Reynaud, que d'ouvrir ce lieux de débauche gustative, de plaisir des sens affiché, de tentations presque sensuelles, tout enrobé de chocolat, en plein carême ! Un brin sorcière, Vianne va pourtant timidement conquérir un bon nombre d'habitants, lisant dans les coeurs leurs malheurs qu'elle console avec du chocolat. Le pouvoir du chocolat est grand et sa fabrication se déroule comme un rituel païen, un enchantement des temps anciens.
Mais le curé Reynaud ne l'entend pas de cette oreille. Rien ne viendra compromettre la pieuse intégrité religieuse des habitants et ne le détrônera de son rôle de berger. Quoi de plus grand, de plus pur que le repentir, la volonté de Dieu pour adoucir le quotidien? Comment peut-on songer à ne pas jeûner, être miséricordieux et s'y maintenir contre tous plaisirs, tentations de l'enfer? La ferveur du curé, sous couvert de prêches manichéens sur le Bien et le Mal, obscurcie son jugement. Une guerre s'ouvre entre cette chocolatière nomade, athée, sans alliance et pourtant mère, trop délicieuse pour n'être pas tentante et ce curé, au passé sombre, à la culpabilité pesante et aux actes parfois cruels, justifiés, dans son imaginaire, par la volonté divine et le dévouement indéfectible qui l'accompagne.
Beaucoup de personnages différents croisent la route de Vianne et ses douceurs chocolatées. Certains s'apaisent, améliorent leur vie, d'autres luttent et s'engagent contre celles et ceux qui bouleversent leur sens de la moralité. Notamment ces gitans, installés avec leurs péniches sur les berges de la Tannes aux beaux jours. Un code de moralité toute "chrétienne" circule alors dans le village afin de boycotter l'arrivée de ces voyageurs.
Au-delà même du combat entre Vianne, sa chocolaterie, les nomades, le curé et ses partisans, ce livre parcours toutes les joies procurées par la gourmandise. Les saveurs sont décrites avec force et parfums, nous voyageons au rythme des confections sucrées et amères de Vianne, et ses bienfaits. Nous rencontrons des personnages d'un autre temps, au charme très commun et pourtant magiques au quotidien. L'écriture est fluide, poétique, incroyablement bohème et rafraichissante. Ce roman est devenu un classique de ma boîte à biscuits, un parfait cadeau à offrir encore et encore ! Sous une plume délicate et sucrée, on vogue aux grès du parcours de Vianne comme des autre protagonistes. Un vrai moment de délices et de magie, bohème et coloré comme j'aime.

Un pétillant biscuit à dévorer sans modération ! De ceux qui vous laissent des étoiles dans les yeux et les papilles !

"Oh, c'est évident. Entre sorcières, on se reconnaît j'imagine. " Elle éclata de rire, un rire qui ressemblait à des violons affolés. "M'sieur le curé ne croit pas à la magie, reprit-elle. À vous dire la vérité, je ne suis pas si sûre qu'il croie même en Dieu." Il y avait dans sa voix un mépris rempli d'indulgence. "Il a beaucoup à apprendre, cet homme-là, même s'il a un diplôme de théologie. Et ma sotte de fille aussi. On ne décroche pas de diplôme de vie, n'est-ce pas?" Je lui concédai que non, et lui demandai si je connaissais sa fille. p. 42.

HARRIS, Joanne, Chocolat, J'ai Lu, 382 p.


2 commentaires:

  1. Bonjour ! Tout à fait d'accord avec toi, à déguster sans modération ! Le film m'avait déà plu, mais ce fut un véritable coup de foudre avec le roman. Quelle atmosphère gourmande, chaleureuse et délicieusement magique ! Un beau voyage... :-)

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  2. Si je tombe dessus, je le lirais peut-être... :)
    En attendant, ça donne envie de revoir le film. :)

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