vendredi 16 novembre 2012

Le cheval soleil, de Steinunn Sigurdardottir


" J'ai toujours la photo dans mon portefeuille, où que j'aille, comme si c'était mon bien-aimé et qu'il fût mort, en plus. C'est que je tiens à m'avoir sur moi telle que je suis. Telle que tu m'as vue, et tu es le seul à m'avoir vue telle que je suis ou telle que je pourrais être. " p.64.

Contrairement au livre de Jonasson, le récit ne semble suivre aucun fil conducteur. Comme judicieusement précisé sur la quatrième de couverture, l'histoire est tissée comme une toile d'araignée et se lit comme un conte plus qu'un roman.
Lilla raconte l'histoire de sa vie dans une sorte d'enchevêtrement de petits chapitres, chacun propre à un souvenir. Elle décrit son enfance dans la maison de Sjafnargata, les jeux imaginaires partagés avec son frère Mummi, la quasi indifférence de ses parents, Ragnhildur et Haraldur, tous deux médecins et plus concernés par leurs patients qu'autre chose, la dissolution d'un orchestre de mandoline, sa nourrice, Magda, partie avant ses sept ans et seul référent maternel, sa vie de jeune femme amoureuse, l'échec de son mariage, ses filles, l'ombre de son amour d'adolescente sur sa vie. Le conte de son parcours nait lorsqu'elle revoit l'amour de sa vie, marchant dans les rue du village de son enfance, faisant l'effet d'un choc trop doux pour ne pas le sentir, trop tendre pour ne pas se raconter avec sincérité.
Tous les souvenirs se suivent sans réelle chronologie mais plutôt par thématique. L'enfance, des parents immatures, qu'elle nomme par leur prénom, la poussant à grandir trop vite, les séances de spiritisme dans le salon vert qu'affectionnent sa mère, les restes de repas qui nourrissent presque une semaine, sa rencontre avec Nelli, alcoolique un peu folle et mère orpheline de son enfant, sa solitude, son amoureux, les paysages d'Islande.
On explore les souvenirs de Lilla à travers les grandes interrogations de la vie : la mort, la réincarnation, les esprits, l'enfance, les chagrins d'amour inconsolés, l'amour et son pourvoir, les jeux imaginaires, les histoires qu'on s'invente, le rythme de vie particulier à l'Islande et son climat, la culpabilité, le sentiment d'être spectatrice de sa vie de femme, d'épouse et de mère, en somme les turpitudes et délices (trop bref) de la quête de soi.
Ces sujets semblent bien tristes et pourtant ils ne sont pas dépeints avec chagrin, plutôt une délicate mélancolie. L'auteur a une écriture bohème digne de ce conte islandais où les flocons cristallins sont, en soit, un appel à la poésie. Il est préférable de suivre l'histoire sans en chercher le mot de la fin, avec curiosité, afin d'apprécier toute la poésie du récit.
C'est un livre, à mes yeux, à lire le soir pour celles et ceux qui aime s'endormir en se racontant une histoire. Un conte très sensible, avec un grain de folie qui pétillent à travers le style d'écriture, une évasion nordique et bohème ! 
Un succulent biscuit givré qui fond dans les doigts sans les laisser glacés. 
"On a l'impression de lire du Björk", me disait Mokka qui, pour le coup, ne s'est pas accrochée à l'univers de ce livre. Mais elle n'a pas tord, l'ambiance de ses chansons et celle du livre se rejoignent.  A vous de voir ! 
Bonne lecture à toutes et à tous !

SIGURDARDOTTIR, Steinunn, Le cheval soleil, 10/18, 187 p.

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